Fol et furieuse
réflexions, outils, partage autour de l'abolition de la psychiatrie, le validisme, les outils alternatives, la libération folle et antivalidiste
Folie/police : ce que la police fait aux personnes en crise. Alternatives à appeler la police
Categories: sanisme

Sommaire :

Partie 1 : ce que la police fait

La police tue, la police violente. La police s’en prend aux corps des vies dévaluées par les systèmes de domination. La police assure le maintien de ces systèmes, et particulièrement le racisme. Elle fait du contrôle social (ce que fait aussi la psychiatrie, les deux sont complémentaires dans le système de contrôle).
Et précision avant de commencer : je me concentre ici sur la police pour sa place particulière mais évidemment il n’y a pas que la police qui tue des personnes en crise. La psychiatrie aussi mais d’autres dans l’espace public comme quand, en mai 2023, Jordan Neely, un homme noir, SDF, dans un moment de détresse où il criait qu’il en avait marre dans le métro, a été tué par un autre passager (ex-soldat) sous le regard d’autres passagers qui ne l’ont pas arrêté pendant plus de 5 minutes, source .

Le système saniste amplifie particulièrement les violences pour les fols. Les crises sont même utilisées comme des excuses. Face à la police il faut avoir un comportement le plus irréprochable possible pour qu’ils ne puissent pas justifier leur violence (ça ne suffit pas bien sûr, surtout en huis clos avec eux) et être dans des états émotionnels extrêmes, ultra-stimulé, face à des hallucinations ou autre ne vous permet pas cet hyper-contrôle. Avoir un comportement jugé étrange ou inapproprié permet de vous classer dans le groupe des dangereux (pour vous ou les autres, cela dépend de votre race/classe/genre/…). Aux Etats-Unis, il y a même une tentative de créer un diagnostic pour justifier les violences des policiers contre les hommes non-blancs : le délirium agité.

Être une personne racisée et folle décuple les chances de subir cette violence. On ne peut pas parler de meurtres policiers sur des personnes psychiatrisées sans parler de racisme, ce sont les cibles principales des violences policières, la police étant là pour maintenir un ordre raciste.
Un article essentiel de Cases Rebelles : https://www.cases-rebelles.org/pour-babacar-samedi-4-decembre/

« En dix ans, StreetPress a recensé au moins 50 personnes en souffrance psychologique, armées ou non, tuées par les forces de l’ordre, dont 11 en 2024 » : https://www.streetpress.com/sujet/1743521893-rony-cely-kyllian-samathi-amadou-koume-personnes-souffrance-psychologique-mort-tuer-police-intervention-paris-maurepas-montfermeil-dugny-aulnay-psychiatrie-soin(Pour des sources un peu plus « officielles » mais on reste sur du très parcellaire : https://voxeurop.eu/fr/morts-police-operations-detention-europe/)

A noter dans cet article et cette liste : même si vous êtes très clairement identifié comme « malade mental »/ « vulnérable », la police tue : un HP appelle la police, le patient est tué (source), un homme s’évade d’un HP, la police le tue (source). Ce n’est pas une question de formation, d’identifier la crise, de savoir. Aux Etats-Unis, ils ont déjà ces formations.Et la violence sur les fols c’est aussi hors moments où ils pourraient justifier d’une « tension »/un risque pour eux : en garde-à-vue, en prison…

Et cette violence s’abat aussi sur les enfants comme cet enfant autiste dans un HÔPITAL. Même chose avec la police dans les écoles (on sait que certains le veulent en France). Aux États-Unis, il y a tellement d’exemples mêlant validisme/sanisme, domination adulte et racisme. On dénombre notamment de nombreux cas d’enfants (autistes notamment) en crise menottés :
Cops Allegedly Handcuffed an 11-Year-Old With Autism While He Banged His Head Against the Wall
How a Special Needs Kid Gets Handcuffed and Thrown in Jail « For Her Own Good » 

Partie 2 : se protéger contre la police

Le collectif anglophone Alternatives to Policing Based in Disability Justice a bossé le sujet.

Une traduction réalisée par Zinzin Zine est disponible ici :
Alternatives au flicage basées sur la justice handie – page par page
Alternatives au flicage basées sur la justice handie – Traduction FR d’ADJC – format cahier

Extrait des propositions :

Centrer le soutien et l’intervention communautaires – Se former

● Chaque enfant et adulte doit pouvoir acquérir les compétences indispensables à sa sûreté. L’éducation doit être gratuite, inclusive et accessible. Elle doit être dispensée en plusieurs langues, y compris en langues des signes. Les personnes neurodivergentes et/ou handies doivent pouvoir à
la fois enseigner et étudier. Cela concerne :
– Une éducation sexuelle complète, inclusive des perspectives LGBTQ et handies et centrée sur le consentement
– Le désamorçage de crise
– L’intervention en tant que témoin
– La médiation et le conflit génératif
– Les premiers secours
– L’autodéfense
– Les soins post-évènement et le soutien continu

● Les alternatives doivent privilégier les stratégies de sûreté proactives et non les stratégies réactives fondées sur la punition. Nous devons favoriser les solutions qui maintiennent et stabilisent les gens dans leur communauté à travers des ressources d’entraide, des réseaux de relations sociales et d’associations, et un accès au logement, au travail et à l’espace public. Nous devons diffuser des outils accessibles tels que les Mad Maps, les plans de sûreté, les Pod Maps et les T-Maps. Fournir des ressources directes aux gens
● Nous devons mettre en place des soutiens, des services, une éducation et un logement communautaires pour tout le monde, en toute occasion. Tout le monde doit pouvoir vivre dans la communauté, quel que soit son handicap ou tout e autre condition . Nous devons prioriser l’accès à un logement abordable et accessible, aux services de garderie, aux soins de santé, aux transports et à l’alimentation en tant qu’éléments essentiels au bien-être et la sûreté collectives.
● Tous ces soutiens et ces services ne doivent pas causer de préjudices supplémentaires. Ils doivent mettre en avant le rôle décisionnel des personnes noires handies. Ils doivent également encourager le rôle décisionnel de personnes autrement marginalisées. Ils doivent être fournis en s’adaptant aux gens et en respectant leurs choix. Ils doivent être accessibles et éviter d’imposer des valeurs culturelles.
● L’accessibilité et la sûreté collectives doivent être au centre de ces efforts et non abordées après coup. La révolution sera accessible.

Démanteler le validisme et décriminaliser nos vies

● Les alternatives doivent éviter d’être empreintes de validisme/sanisme. Cela implique de ne pas pathologiser ou médicaliser les personnes et les difficultés (y compris les personnes incompétentes au pouvoir, ou les personnes très éloignées des corps ou des états psychiques normatifs) ; l’objectif ne doit pas être de valider la norme, mais de la remettre en question et de la changer.
● Nous devons privilégier la réduction des risques. Nous sommes pour la décriminalisation de l’usage de drogue, du travail du sexe, de la mendicité et la suppression de toutes les politiques de « tolérance zéro » qui impactent de façon disproportionnée les personnes handies et sans logement.
● Nous devons financer et développer des projets proposant des ressources et des formations en pratiques de médiation, de restauration et de responsabilisation, afin de soutenir le rétablissement et l’aide à la réintégration.
● Nous devons décriminaliser et déstigmatiser le suicide. L’hospitalisation sous contrainte et la criminalisation du suicide empêchent beaucoup de gens ayant besoin de soutien d’y avoir accès.
Nous devons pouvoir parler ouvertement du suicide, le déstigmatiser et le décriminaliser afin d’offrir aux gens le soutien nécessaire.

 

Le collectif Surviving Race travaille également sur le sujet. Ils ont proposé 5 idées pour se protéger :

5 IDÉES POUR

SE PROTÉGER

CONTRE

LA POLICE

POUR LES PERSONNES QUI ONT

DES ANTÉCÉDENTS PSYCHIATRIQUES

Tous les ans des personnes sont blessées et tuées par la police,
appelée en raison de supposés « troubles émotionnels ».

1) ARRÊTER D’APPELER LE 17 (LA POLICE) POUR DE SOI-DISANT RAISONS PSYCHIATRIQUES/DE « SANTÉ MENTALE ».

Appelez un·e ami·e, un·e membre de la famille, une organisation communautaire ou religieuse, une ligne de soutien, ou des services alternatifs sensibilisés aux traumatismes.

2) METTRE UN TERME AU PROFILAGE PSYCHIATRIQUE.

Nous devons éliminer les pratiques inefficaces et dangereuses de profilage psychiatrique, non pas les justifier et les étendre. Les antécédents de diagnostics réels ou perçus, de « soins », ou d’institutionnalisations sont souvent utilisés pour justifier le meurtre ou les violences policières.

3) RÉGLER LE PROBLÈME À LA SOURCE, SANS ATTENDRE LE MOMENT DE CRISE.

Nous ne préconisons pas l’utilisation de la psychiatrie. Si les gens demandent de l’aide à des services, les services devraient être disponibles 24 heures sur 24 pour les personnes qu’ils sont censés servir. Les services psychiatriques et de «santé mentale» doivent effectuer un changement de paradigme et cesser de demander aux gens d’appeler la police quand ils ne sont pas disponibles. Il faut interdire la pratique des messages vocaux dans les services de «santé mentale» demandant aux gens d’appeler la police.

4) METTRE FIN AU RACISME, À LA MISOGYNIE, À L’HOMOPHOBIE, À LA TRANSPHOBIE, AU CLASSISME, ET AUX AUTRES OPPRESSIONS STRUCTURELLES DANS LES POLITIQUES ET LES PRATIQUES DE « SANTÉ MENTALE ».

Consulter les communautés afin d’identifier, traiter et éliminer les lois, les politiques institutionnelles, les pratiques et les financements qui perpétuent l’oppression, la violence, la discrimination et les traumatismes dans les systèmes psychiatrique/de santé mentale et judiciaire.

5) S’INFORMER.

Des antécédents psychiatriques connus ou supposés augmentent le risque qu’une personne soit tué·e par la police. Arrêtons d’appeler le 17.

 

La traduction complète avec le détail de leurs propositions et les objectifs du groupe peut être trouvée ici : « Surviving Race », lutter à l’intersection de la race et du handicap 

Partie 3 : où se former / lutter

(On rappelle : se former soi, pas la police ça sert à rien.)

Ressources pour l’autodéfense psychologique collective et individuelle :  https://web.archive.org/web/20230327215854/https://www.zinzinzine.net/outils-pratiques.html
Soutenir le collectif Justice pour Babacar : justicepourbabacar.wordpress.com
Participer aux mobilisations contre les violences d’Etat et le racisme comme
Affiche de la marche internationale annuelle contre les violences d'Etat (policières, pénitentiaires, judiciaires, psychiatriques...) et le racisme systémique de 2025. C'était le samedi 15 mars 2025.
Pour les personnes noires, vous pouvez trouver des ressources aussi du côté du collectif Perspective : collectifperspective.org/ressources/
Soutenir/rejoindre des associations d’handicapés psy/fols : voir la liste de Groupes antipsys locaux dans le menu à droite de cet article
Linktree de ressources antipsy : https://linktr.ee/antipsych
Formation générale sur le sanisme et le validisme : https://www.twitch.tv/videos/2065383017

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