Fol et furieuse
réflexions, outils, partage autour de l'abolition de la psychiatrie, le validisme, les outils alternatives, la libération folle et antivalidiste
Le sanisme n’est pas une sous-catégorie du validisme
Categories: antivalidisme, sanisme

Réponse à cette question : Pour moi le validisme et le sanisme sont intrinsèquement liés mais je n’ai pas les outils pour l’expliquer et/ou pour en avoir une vision claire. Peux-tu m’aider s’il te plaît ?

je commence par un merveilleux schéma pour dire où je vais en arriver (mais lisez l’explication, c’est plus important, là c’est vraiment trop simplifié et on va parler de plein d’angles morts):

Un grand cercle validisme. Un cercle plus petit titré sanisme le chevauche. Il est en partie inclut dedans mais une part reste à l'extérieur.

Je suis pas très douéE en théorisation/concept mais dans la manière dont je comprends et utilise pour la pratique les termes :

Le validisme va toucher les personnes qui ne correspondent pas à une norme « valide ». Cette norme se base sur une idée de « capacités individuelles » (qui sont en fait à la fois liées à des vraies limitations et à comment la société est organisée), va désigner des « déficientEs ». C’est lié au fait qu’iels ne sont pas autant productifVes dans l’environnement créé par la société et selon ses critères ou vus comme plus dépendantes (alors qu’en fait la dépendance est toujours permise par un contexte).

Le sanisme va toucher et vise à maîtriser les réactions/attitudes/comportements ne rentrent pas dans la norme « saines d’esprit ». C’est une norme construite aussi mais différemment, on construit ce qui est « sain » à partir de valeurs politiques/morales qui n’ont pas toujours un lien avec le validisme. La psychiatrisation est un outil de tousTes les rapports de domination, le sanisme est aussi lié au patriarcat, la domination blanche, le capitalisme etc. C’est un fourre-tout pour tout un tas de déviantEs (pas l’ensemble des déviantEs, juste une partie pour laquelle on va pouvoir produire un narratif de « iel est pas sainE d’esprit » et les limites de qui rentre dedans bougent). On pathologise/psychiatrise des personnes parce qu’elles sont queers, des minorités (dont les enfants) parce qu’elles sont désobéissantes, ont des réactions trop excessives, disent/font des choses qui dérangent etc. C’est parce qu’on a jugé que ces gens ne s’auto-contrôlent plus assez pour respecter l’ordre social (pour sortir de la psychiatrie, il va falloir à nouveau montrer qu’on peut s’auto-contrôler).

Pour une bonne partie de ces personnes, c’est tout simplement parce qu’elles n’y arrivent plus. En psychiatrie, il y a quand même plein de personnes en vraie souffrance, détresse, qui font l’expérience d’états extrêmes etc. Beaucoup suite à des violences dont iels font l’expérience dans le cadre de l’imposition des rapports de domination (mais pas tousTes, on a aussi des gens qui sont comme ça après un accident/maladie/substance etc., parce qu’iels ont toujours eu un fonctionnement différent…). Et dans cette catégorie-là ce sont beaucoup de personnes qui sont donc handicapées.
Aussi, la séparation corps/esprit qu’on fait est assez artificielle et on est beaucoup à aussi avoir tout un tas de problèmes qui rentreraient dans « physique ».
Et l’expérience de la psychiatrie, la violence, les pratiques, les médocs, les électrochocs (maintenant appelés ECT) etc. contribuent aussi à créer du handicap.

Mais face à des critères diagnostiques comme ceux-ci, tu peux comprendre qu’on retrouve des personnes qui n’ont pas de handicap chez les fols aussi :

« – Elle est mal à l’aise dans des situations où elle n’est pas le centre de l’attention.
– L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction inadapté, ou d’attitude provocante.
Ses émotions changent rapidement, donnant une impression de superficialité.
Elle utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention.
Sa manière de parler est extrêmement vague et manque de détails.
Elle exprime ses émotions de manière spectaculaire, théâtrale et exagérée.
Elle est facilement influencée par les autres ou par les circonstances.
Elle considère que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont vraiment. »
(critères diagnostiques pour le trouble de la personnalité histrionique (de manière générale, tous les « troubles de la personnalité » c’est « cette personne ne me plaît pas »)

Et on rappelle qu’on peut aussi être psychiatrisé sans qu’un diagnostic soit formellement posé.

Bref, je reviens au lien validisme/sanisme : beaucoup des personnes qui subissent le sanisme sont aussi dans la catégorie « improductifVes », « déficientEs ». Pas tousTes mais pour une grande partie c’est quand même « intrinsèquement lié », comme disait la question.
D’où mon schéma où le validisme se chevauche avec le sanisme mais ne l’englobe pas totalement.

Mais si j’ai pris autant de temps à expliquer (au lieu de juste dire « la plupart sont pas valides et c’est lié à ce qui fait qu’iels subissent du sanisme bim bam boum c’est répondu bye ») c’est que pour moi, il y a un vrai enjeu politique à bien maintenir l’indépendance du sanisme. Parce que les mécanismes du sanisme et du validisme ne sont pas tousTes les mêmes, les personnes ciblées et les raisons non plus.
Donc si vous voulez designer tousTes les psychiatriséEs, ça me semble mieux d’utiliser les termes psychiatriséEs ou fols et pas handifols.
En plus, les théories et discours du validisme ne suffisent pas à expliquer l’expérience des fols,et juste une partie pour les handifols (et avec plein de problèmes, on voit encore que même dans l’antivalidisme c’est le handicap moteur qui reste le plus pensé). De manière générale, faut encore que l’antivalidisme avance et face évoluer ses concepts/discours etc. pour prendre en compte tous les vécues déjà des handi et leurs nuances et en même temps saisir les moments où plusieurs rapports de pouvoir jouent et pas juste le réduire au validisme (et pareil pour le sanisme, parce que là j’ai parlé de validisme/sanisme mais racisme/sanisme, patriarcat/sanisme, adultisme/sanisme… il y a plein de choses à dire aussi).
Le handicap psychique est reconnu dans la loi que depuis 2005, c’est pas sans effet.
Et ces derniers jours, on a eu cette stat :

Vous l’aurez compris, tous les handicaps ne provoquent pas la même réaction. 58 % des sondés déclarent en effet être à l’aise avec le handicap sensoriel, c’est-à-dire face à des personnes aveugles, sourdes ou muettes, et 53 % avec le handicap moteur. Les Français sont en revanche plus partagés sur le handicap mental (trisomie 21, autisme et autre déficience intellectuelle) puisque seuls 42 % d’entre eux se disent à l’aise. Enfin, le handicap psychique (schizophrénie, bipolarité, dépression sévère…) est le plus déroutant avec seulement 28 % de sondés qui se sentent sereins en présence de personnes concernées.
https://informations.handicap.fr/a-les-francais-de-moins-en-moins-a-l-aise-avec-le-handicap-37607.php

Et même dans l’antivalidisme, le sanisme reste encore bien fort. (rappel encore une fois de bien brûler vos idoles)

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