Fol et furieuse
réflexions, outils, partage autour de l'abolition de la psychiatrie, le validisme, les outils alternatives, la libération folle et antivalidiste
Le Juge des libertés et de la détention ne vous protège pas du soin sans consentement

Il ne faut pas écouter les gens qui disent que l’intervention du Juge des libertés et de la détention (JLD) protège les psychiatrisé’es : son impact et ce qu’il contrôle est très limité et c’est fait exprès. Ce contrôle du JLD a été mis en place pour rendre plus acceptable l’élargissement et l’augmentation des soins sans consentement.
Cet article est là pour parler de ça mais pas pour vous dire de ne pas essayer d’utiliser cette possibilité pour sortir si vous êtes enfermé (on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a, juste ne placez pas tous vos espoirs là-dedans), je donne d’ailleurs des infos plus bas (partie 3 et 4).

1. Seules 7% des décisions sont des annulations de soins sans consentement et seule la procédure est jugée
2. Le contrôle du JLD a été mis en place pour faire passer une augmentation des soins sans consentement
3. Les motifs d’annulation : sur quoi se concentrer si on veut en obtenir une
4. Comment se passe l’audience ?

1. Seules 7% des décisions sont des annulations de soins sans consentement et seule la procédure est jugée

En 2021, seules 7% des décisions des JLD ont été des annulations de soins sans consentement. Il n’y a pas de chiffre plus récent et ce chiffre porte sur tous les types de soins sans consentement donc les hospitalisations complètes (internement) ou partielles mais aussi les isolements (seulement si + de 72h) et les contentions (+ de 48h). Sachant que, pour l’isolement et la contention, on sait que tous les cas ne sont pas notifiés au JLD. Même pour les hospitalisation, des personnes disent qu’elles n’ont jamais eu l’info d’un jugement (peut-être qu’il a eu lieu sans leur être notifié mais c’est totalement illégal).

La part des annulations baisse, les décisions de justice (jurisprudence) vont dans le sens de limiter les cas où le juge annule.

Pour rappel :  100 000 personnes par an en France sont concernées par des soins sans consentement (chiffre 2023), dont 79 000 personnes hospitalisées sans consentement (chiffre en augmentation). Et ces chiffres ne comptent pas les enfants pour lesquels on ne demande le consentement que des adultes ni les personnes auxquelles on a dit « tu acceptes sinon on fait sans consentement, t’auras encore moins de droits et ce sera plus dur de sortir ».

Le JLD intervient automatiquement si l’hospitalisation dure plus de 12 jours (puis après 6 mois + possibilité pour le patient ou ses proches de le saisir à tout moment) et ne juge quasiment que la procédure, si le dossier est complet, si les étapes ont été respecté. Il ne juge pas vraiment la raison de l’internement, si c’est légitime, les psys ont toute autorité sur ça. Éventuellement, il peut lever l’internement pour « absence de fondement médical » mais ça arrive par exemple quand votre dossier a été rempli par copier/coller et ne correspond pas du tout à vous.  Et il ne va pas trancher si vous arrivez à cette étape avec l’avis d’un autre psy, il ne sera pas légitime pour départager deux psys.

Si vous voulez voir comment ça se passe et quelle arnaque c’est cette intervention du JLD, il y a notamment un film de 2017 qui s’appelle 12 jours. Bande annonce : https://www.dailymotion.com/video/x84h81w

2. Le contrôle du JLD a été mis en place pour faire passer une augmentation des soins sans consentement

Avant 2011, il n’y avait pas de contrôle du JLD. Il arrive avec la loi du 5 juillet 2011 appelée « loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ». Aujourd’hui, certaines personnes en parlent comme d’une grande avancée mais cette loi était désignée comme un « grand enfermement » (exemple de tribune : https://www.ldh-france.org/Reforme-de-la-psychiatrie-une-loi/). Sarkozy, président à ce moment, ne se cachait pas de vouloir plus contrôler les psychiatrisé’es, il parlait de « sécuriser » la psychiatrie.

On ne devrait pas s’étonner que le juge ne protège pas vraiment. L’institution judiciaire est faite par et pour les oppresseur’euses et participe à la création et au maintien des systèmes de domination, au même titre que la police, l’école ou la psychiatrie.

Pour les psychiatrisé’es, cette loi est surtout celle de l’extension des types de soins sans consentement. Avant, il n’y avait que des hospitalisations sans consentement, là on passe à la notions de « soins sans consentement ». Même le soin hors de l’hôpital (qu’on appelle « soin ambulatoire ») peut maintenant être fait sans consentement. On peut vous obliger à avoir des soins à domiciles, à aller dans certains établissements régulièrement : à l’hôpital de jour ou de nuit, au CMP ou au centre d’accueil thérapeutique à temps partiel, à prendre certains traitements (soit via soins à domicile soit par injection, sachant que les injections à libération prolongée amènent des problèmes supplémentaires pour les médocs)…

La loi élargit aussi ce qui existait déjà :
– Avant, seuls les proches pouvaient demander une hospitalisation au motif que vous êtes un « danger pour vous même ». Maintenant, sans la demande d’un proche, on peut décider d’enfermer pour « péril imminent » (SPI). Il suffit qu’un médecin remplisse un certificat (pas forcément un psy et en 2015 c’était les urgences qui en faisaient le plus)
– Les proches devaient obtenir 2 certificats médicaux pour une hospitalisation à la demande d’un tiers avant 2011, depuis il n’en faut plus qu’un.
– Avec cette loi, le préfet peut ordonner une hospitalisation d’office sans certificat médical

Pour faire accepter cette extension, on a dit « mais ne vous inquiétez pas, ce sera contrôlé maintenant ». Sauf qu’on a déjà parlé plus haut de la réalité de ce contrôle et on va continuer…

3. Les motifs d’annulation : sur quoi se concentrer si on veut en obtenir une

Pour tenter d’obtenir une décision de fin de soins sans consentement du juge pour une hospitalisation, il faut montrer qu’il y a des irrégularités dans les dossiers comme :

  • Absence de la motivation d’admission ou de maintien des soins
  • Le dossier ne contient pas la demande d’hospitalisation écrite par un proche (si hospitalisation à la demande d’un tiers)
  • Si le nom de la personne ayant signé un des documents n’est pas identifiable
  • La décision d’admission n’est pas signée par le chef d’établissement mais quelqu’un d’autre (ou absence de signature)
  • Des informations sur le patient dans le document sont erronés
  • Le « risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade », l’urgence ou le risque de trouble à l’ordre public n’est pas justifié/indiqué dans le dossier
  • Non-information du patient de ses droits et voies de recours

Les articles qui amènent à des annulations sont surtout les articles L3211 à L3212 du code de la santé publique ici :

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000006155032/#LEGISCTA000024316521

4. Comment se passe l’audience ?

  • L’HP est censé vous informer de la date, le lieu et l’heure de l’audience 3 à 4 jours avant celle-ci.
  • Vous devez avoir un avocat. En vous donnant l’information de l’audience, l’HP est censé vous demander si vous voulez choisir un avocat ou en avoir un commis d’office. S’il est commis d’office, dans la plupart des cas vous ne payez pas (aide juridictionnelle). Si vous choisissez un avocat, il faudra négocier le tarif avec lui.
  • L’équipe médicale peut décider que votre état de santé ne vous permet pas d’assister à l’audience.
  • Vous avez le droit de refuser d’aller à l’audience. Votre avocat y sera quand même.
  • Dans la pièce avec le JLD, il y aura un’e infirmier’e. Tout ce que vous direz pourra vous êtes reproché par l’équipe médicale ensuite, jugé comme de l’agitation etc. De même, le juge aura une mauvaise image de vous si vous vous énervez/montez trop dans l’émotion.
  • L’audience est publique, vos proches ont le droit d’y assister. Mais seuls vos tuteurs/curateurs (si vous en avez) et la personne ayant demandé les soins sans consentement sont automatiquement informés de la date/heure/lieu de l’audience. La personne de confiance n’aura pas automatiquement l’info. Il faut que vos proches la récupèrent ou que vous arriviez à les informer (si on vous a coupé les contacts avec l’extérieurs, demandez à votre avocat).
  • Vous pouvez faire appel de la décision du juge dans les 10 jours

A noter :  si vous cherchez des informations pour échapper aux soins sans consentement, vous risquez de tomber sur le site de la « Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme ». Sous ce nom, se cache la Scientologie https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_des_citoyens_pour_les_droits_de_l%27homme . Elle vise les psychiatrisé’s comme ce sont des personnes qui ont besoin d’aide mais elle aussi est violente, normalisante, isolante…

Vous tomberez peut-être aussi sur le site de l’Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques). Ce n’est pas le même niveau mais il s’agit d’une association de proches énorme qui parle à la place des psychiatrisé’es, pour les intérêts de leur famille (que l’on sait souvent maltraitantes), qui se fait de l’argent sur ce créneau tout en poussant des idées validistes et sanistes. Et même s’ils critiquent ce qu’ils pensent être des dérives, ils aident toujours les familles à faire des demandes de soins sous contrainte.

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