Fol et furieuse
réflexions, outils, partage autour de l'abolition de la psychiatrie, le validisme, les outils alternatives, la libération folle et antivalidiste
Santé mentale, grande cause nationale de la droite, c’est pas étonnant, très dépolitisant, plus de contrôle etc.

Pas étonnant de la part de ce gouvernement

Pas étonnant parce qu’on a de plus en plus d’arrêts maladies, de baisse de productivité, de gens qui s’effondrent, qui ne font plus d’enfant… (insérez problème de patron ou réac ici) parce que “la santé mentale”. Et le champ psy (-chiatrie comme -chologie) est l’outil parfait pour remettre tout ça sur les roues sans perturber l’ordre social. Parfait pour les patrons ou réacs en tout genre qui savent très bien quel est le taf de la psy.

Agir sur la résilience de l’individu plutôt que les problèmes sociaux

La santé mentale intervient au niveau individuel. Le but c’est de rendre les individus plus “résilients”, le problème c’est que vous êtes fragiles, il faut que vous encaissiez plus sans vous effondrer. On va vous apprendre à faire. On augmente la tolérance à coup d’heures passées à faire de la respiration/méditation, à apprendre à repenser tes schémas de pensée (voir une opportunité de t’améliorer face aux obstacles !) ou de prise de médocs…

Voici la définition de la santé mentale par l’OMS : « état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté ».

Avec :
« Une personne en bonne santé mentale est une personne capable de s’adapter aux diverses situations de la vie, faites de frustrations et de joies, de moments difficiles à traverser ou de problèmes à résoudre. Une personne en bonne santé mentale est donc quelqu’un qui se sent suffisamment en confiance pour s’adapter à une situation à laquelle elle ne peut rien changer. »

Il suffit de le lire pour voir le côté validiste et saniste, cet objectif de faire de vous un membre utile de la société, adaptable et résistant quoi qu’il vous arrive… Tout ça plutôt qu’une société plus douce. Et c’est pas un dévoiement. Ca a toujours été là, l’individu adapté c’est l’angle de toute la vision psy.

S’auto-contrôler et contrôler les autres

Ce qui est bien pratique c’est que vous apprenez à vous auto-surveiller et contrôler. Et, vous contrôlez les autres : ça se fait de plus en plus de dire d’aller voir un psy, de tester telle forme de relaxation, de partager ses tips pour gérer le stress… Et oui faut bien survivre, il y a vraiment des choses à encaisser etc. mais c’est pas neutre politiquement derrière.

Et encore une fois c’est des conseils très individualisants pour gérer dans son coin. La plupart des gens parlent plus de gérer leur niveau de stress que des causes de ces problèmes et comment les renverser, comment s’entraider etc.

Dépolitisation, invisibilisation des causes

Autre point pratique dans la santé mentale, ça permet de pas s’attaquer aux causes. Parce que la santé mentale grande cause ça sera jamais s’attaquer aux violences familiales, à la pauvreté, aux oppressions, aux conditions de travail…
Le concept de prévention existe bien en santé mentale mais quand les pros en demandent c’est pour du “repérage précoce”, comme ça on pourra commencer à travailler sur vous dès la première défaillance pour éviter de trop grandes pertes de productivité.

Il faut vraiment comprendre que la psy est un outil de pouvoir et contrôle

La santé mentale aujourd’hui est une extension réussie du rôle de tri, contrôle et normalisation de la psy. La médecine n’est pas neutre mais la psychiatrie encore moins.
On est sur un pouvoir qui peut dire comment les gens doivent gérer des problèmes émotionnels, la seule qui a le droit d’imposer des soins, où le “malade” perd toute légitimité à s’exprimer sur lui-même.

Je rappelle encore que la psy n’a pas prouvé sa légitimité scientifique. Elle peut définir ce qui est pathologique sans grande confrontation et totalement recadrer des sujets. Et elle sert un ordre, notamment productiviste, mais aussi raciste, hétérocissexiste, toxicophobe…

Pour ce côté pathologique, je présume qu’agiter le concept la maladie mentale et le traitement des « vrais malades » est bien pratique pour amener les gens à s’auto-contrôler… Beaucoup de gens ont peur de tomber du côté « fou/folle/fol » ou « malade mental », mais au lieu de vous distinguer vous voulez pas nous aider ? Le concept de folie est une construction psychiatrique aussi.

Angle mort d’une grande partie de la gauche sur la psychiatrie

Bref, à gauche, beaucoup ont demandé plus de moyens en santé mentale pour X ou Y groupe. Et vraiment, renseignez-vous sur le rôle de la psy avant et comment elle est un instrument contre les minorités. Renseignez-vous sur ce qu’on y vit. Et ayez une analyse politique.

Ce n’est pas que de l’histoire ancienne et ce qui a reculé peut très facilement revenir (relire plus haut sur l’outil qu’est la psychiatrie, sa non-scientificité).

Des exemples d’actualités qui me viennent :

Aux Etats-Unis, le développement de programmes systématisant l’enfermement et le traitement forcé des personnes à la rue, sous l’angle de la « maladie mentale ». Je pense à l’assisted outpatient treatment (AOT) de New York originellement mais qui se développe ailleurs, et les CARE courts de Californie. Les deux projets portés par des politiques vus comme progressistes. Donc on met de jolis mots comme « community-based », rendre l’accès au soin et au logement possible, sortir les gens de la rue etc. mais ce n’est rien d’autre qu’une psychiatrisation forcée (ils demandent ton consentement mais si tu dis non c’est mise sous tutelle et donc traitement quand même). Les familles, le combo police/pompiers/assistants sociaux/… et les pros de la psychiatrie ou psychologie signalent des gens. Si on veut un vernis plus progressiste, on dit « iels sont dangereuxSes pour elleux-même » (on voit aussi du « pour les autres »). Cette publication me fait penser que ça arrive peut-être déjà en France.

En France comme dans d’autres pays, on a les anti-trans qui attaquent les trans en disant que ce sont “juste des personnes qui ne vont pas bien, du coup iels sont perdus et veulent transitionner” qui inverse cause et conséquence et permet de délégitimer la parole des concernéEs.Et bien sûr qu’iels trouvent des psys pour aller dans leur sens.

On a aussi le “Les écologistes ont juste de l’éco-anxiété, iels catastrophisent alors qu’un peu d’adaptation et tout ira bien ! Soyez pas irrationnels“

« Aller plus loin »

Ce qu’est la psychiatrie a été très bien résumé (et développé sur le reste du site) dans cette introduction de Zinzin Zine . Je vais pas répéter en moins bien, allez la lire :p

Il faut comprendre qu’on fait pas juste la critique de problèmes de violence au sein d’une psychiatrie qui serait neutre par ailleurs mais en quoi la psychiatrie est un outil de contrôle de l’ordre social,

normalisant et on ne fera pas disparaître sa violence en la réformant. On diminuera au mieux quelques violences physiques (et très certainement que pour la partie la plus socialement acceptée des psychiatriséEs) jusqu’au prochain backlash sécuritaire

A lire aussi sur les discours produits sur la santé mentale et pour pas oublier les fols : https://manifesto-21.com/parlons-de-sante-mentale-folie-douce-et-discours-tiedes/

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